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Entretien avec Catherine DUBOSCQ pour la Commission Femmes

Portraits

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15/07/2019

ENTRETIEN AVEC CATHERINE DUBOSCQ LE 9 JUILLET2019




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Catherine DUBOSCQ - Promotion « 2013 Jean ZAY »

Titulaire d’un DEA de géographie, Catherine Duboscq a fait une première partie de carrière au sein de la CCI de Bordeaux puis au Conseil économique et social de la région Aquitaine et de la CFDT, à la tête de l’Union régionale de l’organisation en Aquitaine. Après sa formation à l’ENA, (admise au troisième concours en 2012), elle choisit d’intégrer la DGRH du MEN et du MESRI, puis la DGESCO et la région académique d’Île-de-France. En août 2019, elle prend le poste d’adjointe au DGA du Pôle Lycée de la Région Île-de-France.


Peux-tu nous parler de tes racines ?


Je suis originaire des Landes, d’un bourg chef-lieu de canton doté d’industries forestières et de sensibilité radical-socialiste. Mes parents ont tous deux quitté l’école à 14 ans, mon père était ouvrier mécanicien, ma mère couturière. Je suis allée à l’école et au collège du bourg, les enseignants étaient très engagés au sein des établissements mais aussi à l’extérieur dans l’éducation populaire.

J’ai été orientée non pas vers le lycée de mon secteur, mais vers le meilleur lycée du département, dans la filière scientifique. Malgré ce parcours scolaire méritant, j’ai trouvé naturel de chercher un emploi à l’usine après le bac. La principale du collège est alors intervenue, déjouant ainsi les principes du déterminisme social. M’enjoignant à poursuivre des études et plaidant mon dossier au rectorat afin d’obtenir un emploi de surveillante d’internat, j’ai entamé un cursus universitaire à Bordeaux. L’Ecole a ainsi fait ce que je suis devenue.


Quelle a été ta formation supérieure ?


J’ai choisi la géographie et j’ai obtenu un DEA en aménagement du territoire. Je garde un souvenir heureux de mes professeurs qui m’ont soutenue afin que j’embrasse plus tard une carrière universitaire.

Lors du stage de DEA effectué à la Chambre de Commerce et d’Industrie, une proposition m’a été faite d’un emploi intéressant bien rémunéré. Cette proposition coïncidait avec les débuts d’une vie de couple, la naissance d’enfants, mais venait contrarier les travaux de préparation d’une thèse. J’ai choisi d’abandonner mes travaux de recherche, non sans avoir tenté de concilier début de carrière, enfants et études pendant deux ans. 


Quelles expériences professionnelles avant l’entrée à l’ENA t’ont le plus marqué ?


J’ai eu la grande chance d’avoir un parcours professionnel gratifiant, formateur et me donnant toujours des marges de manœuvre importantes pour agir. Mes années au sein de la CCI de Bordeaux puis au sein de la CFDT et du CESER Aquitaine m’ont permis de travailler avec des chefs d’entreprise, des élus locaux, de connaître le fonctionnement des organisations syndicales, etc. J’ai travaillé dans les années 90 au soutien du secteur de l’immobilier en grande dépression alors. Plus tard, au sein du CESER Aquitaine, j’ai accompagné l’acte II de la décentralisation. Enfin, au sein de la CFDT, j’ai connu l’engagement dans des réformes et des accords qu’il s’agissait d’expliquer et d’assumer, le travail sur la complexité du réel ne pouvant se satisfaire de présupposés idéologiques.


Quelles motivations t’ont amenée à préparer le concours d’entrée à l’ENA ?


J’ai préparé l’ENA tardivement la quarantaine arrivée dans un moment charnière de ma vie sur le plan professionnel et familial. Encouragée par mon mari à préparer le 3° concours, j’ai été soutenue par quelques amis, également par le directeur général de la CCI de Bordeaux, ancien élève de l’ENA lui-même et convaincu de ma réussite.

L’ENA m’est apparue comme une formation permettant de valider les compétences acquises lors de mon parcours. En outre, pouvoir passer un concours sans limite d’âge pour accéder à des fonctions de haut niveau constituait un atout alors que dans le privé, à cet âge, on commence à entrer dans une forme de séniorité 

Enfin, le concours. Se lancer dans sa préparation a été une stimulation intellectuelle intense. Réussir est un puissant levier pour l’estime de soi.


Peux-tu donner 5 mots clés pour définir ta carrière ?


1. stimulante : par les actions conduites et les sujets travaillés depuis bientôt 6 ans.

2. exigeante : pour maîtriser les enjeux des différents fonctions occupées.

3. ouverte : les rencontres professionnelles ont été nombreuses. Cette ouverture permet de se projeter, de construire son parcours.

4. cohérente : par le choix de travailler dans le même secteur professionnel par différentes entrées (en centrale, en services déconcentrés, bientôt en collectivité territoriale).

5. en cours : le chemin continue et il se construit en marchant.


Etre une femme a-t-il été un élément constitutif de ta réflexion ? de ta carrière ?


J’ai intégré très tôt, bien avant l’ENA, qu’être une femme exigeait de se battre pour exister dans les milieux professionnels que j’ai connus, très conservateurs. L’entrée à l’ENA par la voie du concours puis mes premières années de carrière constituent de fait une rupture. 

Cela dit, j’ai conscience d’être arrivée à un moment de ma vie où mes trois enfants élevés, je n’ai plus de contraintes familiales. Cependant, la conciliation vie professionnelle - vie personnelle se pose pour toutes les catégories professionnelles et y compris donc pour des hauts fonctionnaires en charge de famille et qu’ils/elles soient homme ou femme ! Cette question doit être impérativement un sujet central pour la modernisation de l’administration.


Quelles sont les forces et les qualités de l’ENA ?


Incontestablement le concours. Il faut en valoriser les atouts, en premier l’anonymat du genre, de l’origine culturelle et de l’âge.

Puis les stages. Je garde un excellent souvenir de mon stage en préfecture. Le travail effectué auprès de mon maître de stage, le Préfet de Paris, restera une grande rencontre professionnelle.


Et les faiblesses ?


Une trop faible diversité des profils. Si le 3° concours représentait le tiers (et non 10 %) d’une promotion, la scolarité serait sans doute conçue différemment. La probabilité d’une plus grande variété des profils à tous les rangs du classement serait plus forte. 


Quels seraient les leviers pour mettre en œuvre une sélection exigeante au-delà de la seule excellence académique ?


La sélection sur des critères académiques doit rester un principe cardinal dans la mesure où deux voies d’accès n’exigent aucune condition de diplôme. Cependant, la qualité des candidats ne peut être examinée sur cette seule base. Les épreuves doivent être conçues pour permettre de révéler des profils plus variés qu’aujourd’hui. 

Les capacités managériales en particulier doivent pouvoir être appréciées de même que l’intérêt des profils pour l’administration française. En amont, cela suppose que l’administration ait la vision des ressources humaines de haut niveau dont elle a besoin.


Quels seraient selon toi les axes structurants d’une refonte de la formation des hauts fonctionnaires ?


Un concours de sortie, donc le classement, qui soit le résultat d’un croisement d’épreuves et d’expression des besoins RH des administrations. Pour cela, il est nécessaire que la problématique de sortie soit abordée dès l’entrée à l’école par un accompagnement de chaque élève à la définition d’un projet professionnel de sortie.

Faire évoluer les épreuves avec une visée plus opérationnelle et pratique.

Clarifier les voies d’accès au corps des administrateurs civils par exemple. Le tour extérieur notamment : les lauréats se vivent souvent comme un sous-produit de l’énarchie, tandis que les ENA considèrent subir une concurrence déloyale.

Réfléchir à la valorisation des parcours antérieurs puisque 50 % d’une promotion arrive par le 2° ou le 3° concours voire le 4° : Mobilité réputée acquise pour une progression plus rapide qu’un jeune mais toujours au mérite ? Accès plus rapide aux emplois fonctionnels, par exemple 5 ans au lieu de 8 et selon des conditions à déterminer ? Modalités d’accès aux corps d’inspection ? Ce point me paraît important car si la réforme de la fonction publique permet l’ouverture des postes de haut niveau à des contractuels, le 3° concours pourrait perdre de son intérêt. 


Quels obstacles faut-il supprimer pour une réelle égalité des chances entre les femmes et les hommes ?


Faire évoluer les organisations du travail.

Faire fonctionner les systèmes d’alerte : la commission femmes de l’AAEENA aura toujours une mission à accomplir.

Défendre les concours en tant que principale voie d’accès à la formation. 


Propos recueillis par Myriem MAZODIER le 9 juillet 2019

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